Les repas de famille peuvent rapidement dévier vers des discussions délicates, notamment sur la question des migrations. Ce thème, omniprésent, provoque souvent des réactions extrêmes : l’indifférence au mieux, des considérations racistes au pire. Dans ce contexte tendu, le travailleur social se retrouve face à un dilemme : faut-il rester silencieux ou intervenir, en prenant le risque de générer des conflits ? Ces moments sont particulièrement révélateurs des tensions actuelles autour des migrations, de l’intégration et du vivre-ensemble.
La question se pose alors : que faire lorsque des propos hostiles se banalisent ? En tant que professionnel engagé dans la défense de valeurs humanistes, le travailleur social est naturellement interpellé. Cependant, cette interpellation n’est pas sans conséquence. Doit-on prioriser l’apaisement des tensions familiales ou rester fidèle à ses convictions, quitte à générer des discordes ? Ce type de situation reflète les multiples défis auxquels le travailleur social est confronté au quotidien.
Les valeurs défendues par le travailleur social
Face à ces dilemmes, il est essentiel de rappeler les valeurs qui guident l’action du travailleur social. Il s’agit avant tout de promouvoir un cadre favorable au vivre-ensemble, où la diversité est perçue comme une richesse, et non comme une menace. Le rôle du travailleur social est de créer des ponts, de favoriser la cohésion sociale, et d’œuvrer pour une société plus juste et inclusive.
Cet engagement va bien au-delà des simples tâches quotidiennes : il repose sur une conception élevée du bien commun, où chaque citoyen a une place à part entière. Le travailleur social s’emploie à sensibiliser, à faire comprendre les enjeux de société, et à encourager les initiatives locales. Son action s’inscrit dans le cadre de l’éducation permanente, un concept qui vise à armer les citoyens pour mieux comprendre leur société et pour y agir de manière éclairée.
Ce positionnement est fondamentalement politique – au sens noble du terme. Il s’agit d’un engagement au service de la Cité, d’un projet où l’intérêt collectif prime sur les intérêts particuliers. Cet idéal, loin d’être utopique, cherche à concilier une vision lucide des réalités sociales avec l’ambition de transformer positivement la société.
La confrontation des valeurs aux réalités
Cependant, ces valeurs se heurtent à des réalités souvent brutales. L’individualisme croissant de notre société complique la mise en place de projets collectifs. Les politiques publiques, de plus en plus orientées vers l’activation des publics, renforcent cette tendance en mettant l’accent sur la responsabilité individuelle au détriment de la solidarité. L’immigration est trop souvent perçue comme une menace, ce qui alimente les discours de rejet et de peur.
De plus, les moyens dont disposent les travailleurs sociaux pour mener à bien leurs missions sont de plus en plus limités. Les contraintes budgétaires et la bureaucratie rendent le travail souvent lourd et répétitif, générant un épuisement chez de nombreux professionnels. L’absence de marge de manœuvre créative, liée à l’omniprésence de l’administratif, contribue à ce sentiment de lassitude et de turnover élevé au sein du secteur.
Redonner du sens à l’action sociale
Face à ces défis, il est crucial de recentrer l’action sociale sur ses fondements : le sens et les valeurs. La mission du travailleur social ne doit jamais perdre de vue l’objectif de créer du lien, de renforcer le tissu social, et de promouvoir un projet de société qui valorise les dimensions collectives. Ce projet, certes ambitieux, reste la clé pour répondre aux enjeux actuels.
Dans cette quête, il est essentiel de tendre vers l’idéal tout en gardant une compréhension claire du réel, comme le disait si bien Jean Jaurès :
« Aller à l’idéal et comprendre le réel ».
Cette citation résume parfaitement l’engagement du travailleur social : une action ancrée dans les réalités de la société actuelle, mais toujours tournée vers un avenir plus juste et inclusif.


